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dessus des sourcils, et une longue barbe à pointe blanche dont la base est noire[1].

La beauté des couleurs de ces singes, et de beaucoup d’autres, la singularité de l’arrangement des teintes, et plus encore les dispositions si diverses et si élégantes des crêtes et des touffes de poils sur la tête, me donnent la conviction que ces caractères ont été acquis exclusivement dans un but d’ornementation par l’intervention de la sélection sexuelle.


Résumé. — La loi du combat pour s’assurer la possession de la femelle paraît prévaloir dans toute la grande classe des mammifères. La plupart des naturalistes admettront avec moi que la taille, la force et le courage plus grands du mâle, son caractère belliqueux, ses armes offensives spéciales, et ses moyens particuliers de défense, ont tous été acquis ou modifiés par cette forme de sélection que j’appelle la sélection sexuelle.

Ceci ne dépend d’aucune supériorité dans la lutte générale pour l’existence, mais de ce fait que certains individus d’un sexe, généralement ceux du sexe mâle, ont réussi à l’emporter sur leurs rivaux et à laisser une descendance plus nombreuse pour hériter de leurs avantages.

Il est un autre genre de luttes, d’une nature plus pacifique, dans lesquelles les mâles cherchent à attirer et à séduire les femelles par divers charmes. Ceci peut se faire par les odeurs qu’émettent les mâles pendant la saison des amours, les glandes odorantes ayant été acquises par sélection sexuelle. Il est douteux qu’on en puisse dire autant de la voix, car les organes vocaux des mâles, fortifiés peut-être par l’usage pendant l’état adulte, sous les puissantes influences de l’amour, de la jalousie ou de la colère, ont dû être transmis au même sexe. Diverses crêtes, diverses touffes et divers revêtements de poils, qu’ils soient propres aux mâles, ou simplement plus développés chez eux que chez les femelles, semblent être, dans la plupart des cas, des caractères d’ornementation, et cependant ils servent quelquefois de défense contre les mâles rivaux. On a même des raisons de supposer que les andouillers ramifiés des cerfs et les cornes élégantes de quelques antilopes, bien que servant aussi d’armes offensives et défensives, ont été en partie modifiées dans un but d’ornementation.

Lorsque le mâle diffère de la femelle par sa coloration, il offre,

  1. J’ai vu la plupart des singes ci-dessus décrits aux Zoological Gardens. La description du Semnopithecus nemæus est empruntée à W. C. Martin, Nat. Hist. of Mammalia, 1841, p. 460 ; voir aussi les pages 473, 523.