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reil pour l’inspiration et l’expiration de l’air, appareil pourvu d’un tube qui peut se fermer à son extrémité. Aussi, au moment d’une vive excitation, alors que les muscles se contractent violemment, les membres primordiaux de cette classe ont dû certainement faire entendre des sons incohérents ; or, si ces sons ont rendu un service quelconque à ces animaux, ils ont dû facilement se modifier et s’augmenter par la conservation de variations convenablement adaptées. Les amphibies sont les vertébrés aériens les plus inférieurs ; or, un grand nombre d’entre eux, les crapauds et les grenouilles par exemple, ont des organes vocaux, qui sont constamment en activité pendant la saison des amours, et qui sont souvent beaucoup plus développés chez le mâle que chez la femelle. Le mâle de la tortue seul émet un bruit, et les alligators mâles rugissent et beuglent pendant la saison des amours. Chacun sait dans quelle mesure les oiseaux se servent de leurs organes vocaux comme moyen de faire leur cour aux femelles ; quelques espèces pratiquent également ce qu’on pourrait appeler de la musique instrumentale.

Dans la classe des Mammifères, dont nous nous occupons ici plus particulièrement, les mâles de presque toutes les espèces se servent de leur voix pendant la saison des amours beaucoup plus qu’à toute autre époque ; il y en a même quelques-uns qui, en toute autre saison, sont absolument muets. Les deux sexes, dans d’autres espèces, ou les femelles seules, emploient leur voix comme appel d’amour. Si l’on considère tous ces faits, si l’on considère que, chez quelques mammifères, les organes vocaux sont beaucoup plus développés chez le mâle que chez la femelle, soit d’une manière permanente, soit temporairement pendant la saison des amours ; si l’on considère que, dans la plupart des classes inférieures, les sons produits par les mâles servent non seulement à appeler, mais à séduire les femelles, c’est la preuve complète que les mammifères mâles emploient leurs organes vocaux pour charmer les femelles. Le Mycetes caraya d’Amérique fait peut-être exception, comme aussi l’un des singes les plus voisins de l’homme, l’Hylobates agilis. Ce Gibbon a une voix extrêmement puissante, mais harmonieuse. M. Waterhouse[1] dit au sujet de cette voix : « Il m’a semblé qu’en montant et en descendant la gamme, les intervalles étaient régulièrement d’un demi-ton, et je suis certain que la note la plus élevée était l’octave exacte de la plus basse. Les notes sont harmonieuses, et je ne doute pas qu’un bon violoniste ne puisse reproduire la

  1. Donné dans W. C. L.  Martin, General Introd. to Nat. Hist. of Mamm. Animals, p. 432, 1841 ; Owen, Anatomy of Vertebrates, III, p. 600.