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326 Hybridité.  

parties de la fleur, même dans le pollen, dans le fruit et dans les cotylédons, peuvent être croisées ensemble. On peut souvent croiser facilement ensemble des plantes annuelles et vivaces, des arbres à feuilles caduques et à feuilles persistantes, des plantes adaptées à des climats fort différents et habitant des stations tout à fait diverses.

Par l’expression de croisement réciproque entre deux espèces j’entends des cas tels, par exemple, que le croisement d’un étalon avec une ânesse, puis celui d’un âne avec une jument ; on peut alors dire que les deux espèces ont été réciproquement croisées. Il y a souvent des différences immenses quant à la facilité avec laquelle on peut réaliser les croisements réciproques. Les cas de ce genre ont une grande importance, car ils prouvent que l’aptitude qu’ont deux espèces à se croiser est souvent indépendante de leurs affinités systématiques, c’est-à-dire de toute différence dans leur organisation, le système reproducteur excepté. Kölreuter, il y a longtemps déjà, a observé la diversité des résultats que présentent les croisements réciproques entre les deux mêmes espèces. Pour en citer un exemple, la Mirabilis jalapa est facilement fécondée par le pollen de la Mirabilis longiflora, et les hybrides qui proviennent de ce croisement sont assez féconds ; mais Kölreuter a essayé plus de deux cents fois, dans l’espace de huit ans, de féconder réciproquement la Mirabilis longiflora par du pollen de la Mirabilis jalapa, sans pouvoir y parvenir. On connaît d’autres cas non moins frappants. Thuret a observé le même fait sur certains fucus marins. Gärtner a, en outre, reconnu que cette différence dans la facilité avec laquelle les croisements réciproques peuvent s’effectuer est, à un degré moins prononcé, très générale. Il l’a même observée entre des formes très voisines, telles que la Matthiola annua et la Matthiola glabra, que beaucoup de botanistes considèrent comme des variétés. C’est encore un fait remarquable que les hybrides provenant de croisements réciproques, bien que constitués par les deux mêmes espèces — puisque chacune d’elles a été successivement employée comme père et ensuite comme mère — bien que différant rarement par leurs caractères extérieurs, diffèrent généralement un peu et quelquefois beaucoup sous le rapport de la fécondité.