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338 Hybridité.  

nouvelles et différentes, restent tout à fait fécondes, bien que descendant d’espèces distinctes qui, croisées dans le principe, auraient été probablement tout à fait stériles. Ces deux séries de faits parallèles semblent rattachées l’une à l’autre par quelque lien inconnu, essentiellement en rapport avec le principe même de la vie. Ce principe, selon M. Herbert Spencer, est que la vie consiste en une action et une réaction incessantes de forces diverses, ou qu’elle en dépend ; ces forces, comme il arrive toujours dans la nature, tendent partout à se faire équilibre, mais dès que, par une cause quelconque, cette tendance à l’équilibre est légèrement troublée, les forces vitales gagnent en énergie.

DIMORPHISME ET TRIMORPHISME RÉCIPROQUES.

Nous allons discuter brièvement ce sujet, qui jette quelque lumière sur les phénomènes de l’hybridité. Plusieurs plantes appartenant à des ordres distincts présentent deux formes à peu près égales en nombre, et ne différant sous aucun rapport, les organes de reproduction exceptés. Une des formes a un long pistil et les étamines courtes ; l’autre, un pistil court avec de longues étamines ; les grains de pollen sont de grosseur différente chez les deux. Chez les plantes trimorphes, il y a trois formes, qui diffèrent également par la longueur des pistils et des étamines, par la grosseur et la couleur des grains de pollen, et sous quelques autres rapports. Dans chacune des trois formes on trouve deux systèmes d’étamines, il y a donc en tout six systèmes d’étamines et trois sortes de pistils. Ces organes ont, entre eux, des longueurs proportionnelles telles que la moitié des étamines, dans deux de ces formes, se trouvent au niveau du stigmate de la troisième. J’ai démontré, et mes conclusions ont été confirmées par d’autres observateurs, que, pour que ces plantes soient parfaitement fécondes, il faut féconder le stigmate d’une forme avec du pollen pris sur les étamines de hauteur correspondante dans l’autre forme. De telle sorte que, chez les espèces dimorphes, il y a deux unions que nous appellerons unions légitimes, qui sont très fécondes, et deux unions que nous qualifierons d’illégitimes, qui sont plus ou moins stériles.