Page:Darwin - Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


PRÉFACE




L’illustre auteur de ce livre est mort avant d’en avoir vu achever la traduction française. Qu’il nous soit permis de lui payer ici un juste tribut d’admiration et de regrets.

Charles Darwin est l’un des hommes dont l’influence se sera le plus vivement fait sentir non seulement sur toutes les branches des sciences naturelles, mais encore sur la philosophie générale et peut-être même la politique. On lui doit, en effet, d’avoir pour la première fois fait resplendir la lumière de la science dans un domaine qui semblait devoir lui demeurer à jamais fermé, d’avoir montré à l’homme qu’il avait entre les mains, sur sa propre histoire, des documents qu’il n’avait pas su déchiffrer, d’avoir substitué partout à l’idée toute théologique de l’immuabilité des mondes l’idée rationnelle d’évolution, de perfectionnement graduel, d’adaptation, de progrès. Jusque dans ces vingt dernières années, les êtres vivants étaient presque toujours étudiés indépendamment du milieu dans lequel ils vivent, indépendamment des rapports réciproques qu’ils contractent entre eux. Chacun d’eux paraissait être une entité distincte, ne devant rien qu’à elle-même, capable de se soustraire à toute action modificatrice de la part des agents extérieurs, créée une fois pour toutes en vue de certaines conditions d’existence, merveilleusement adaptée à ces conditions, mais ne pouvant s’y soustraire qu’à la condition de périr, en équilibre parfait avec un milieu supposé immuable, mais destinée à disparaître dès que cet équilibre était rompu.

Cette fausse conception de l’être vivant a causé l’échec de tous les essais de philosophie des sciences