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ALIMENTATION DES QUADRUPÈDES.

la girafe, le Bos cafer, l’élan, certainement trois, et probablement cinq espèces de rhinocéros, et du côté de l’Amérique deux espèces de tapirs, le guanaco, trois espèces de cerfs, la vigogne, le pécari, le capybara (après quoi nous devons choisir un des singes, pour compléter le nombre de dix gros animaux), puis que nous placions ces deux groupes l’un auprès de l’autre, il est difficile de concevoir grosseurs plus disproportionnées. Après avoir attentivement considéré les faits ci-dessus énoncés, nous sommes forcés de conclure, en dépit de tout ce qui peut paraître une probabilité antérieure[1], qu’il n’existe pour les mammifères aucun rapport immédiat entre la grosseur des espèces et la quantité de la végétation dans les pays qu’ils habitent.

Il n’y a certainement aucune partie du globe qui puisse se comparer à l’Afrique méridionale sous le rapport du nombre des grands quadrupèdes ; cependant, d’après toutes les relations de voyages, il est impossible de nier que cette région soit presque un désert. En Europe, il nous faut remonter jusqu’à l’époque tertiaire pour trouver, chez les mammifères, un état de choses qui ressemble en quoi que ce soit à ce qui existe actuellement au cap de Bonne-Espérance. Nous sommes portés à penser que les grands animaux abondaient pendant ces époques tertiaires, parce que nous trouvons les débris de bien des siècles peut-être accu-

    (5 075 kilogrammes). On m’a dit, aux Surrey-Gardens, qu’un hippopotame envoyé en Angleterre pesait, après avoir été dépecé, 3 tonnes et demie (3552 kilojtrammes) ; disons 3 tonnes (3 045 kilogrammes). Ceci posé, nous pouvons attribuer un poids de 3 tonnes et demie (3552 kilogrammes) à chacun des cinq rhinocéros, 1 tonne (1 015 kilogrammes) à la girafe, et une demi-tonne (507 kilogrammes) au Bos cafer, ainsi qu’à l’élan (un gros bœuf pèse de 1200 à 1500 livres [544 à 630 kilogrammes]). D’après cette estimation, on arriverait à un poids moyen de 2 tonnes 7 dixièmes (2740 kilogrammes) pour chacun des dix plus grands animaux herbivores de l’Afrique méridionale. Quant à l’Amérique du Sud, si on alloue 1200 livres (544 kilogrammes) pour les deux tapirs pris ensemble, 550 livres (249 kilogrammes) pour le guanaco et la vigogne, 500 livres (227 kilogrammes) pour trois cerfs, 300 livres (135 kilogrammes) pour le capybara, le pécari et un singe, on arrive à une moyenne de 250 livres (113 kilogrammes), ce qui est, je crois, exagéré. La proportion sera donc comme 6048 est à 250, ou comme 24 est à 1, pour les dix plus grands animaux des deux continents.

  1. Supposons qu’on ne connaisse aucun cétacé et qu’on vienne tout à coup à découvrir le squelette fossile d’une baleine au Groenland. Quel naturaliste serait assez osé pour soutenir qu’un animal aussi gigantesque se nourrissait exclusivement des crustacés et des mollusques presque invisibles, tant ils sont petits, qui habitent les mers glacées de l’extrême Nord ?