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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/153

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SANTA-FÉ.

une fève en deux, d’humecter ces moitiés et d’en placer une sur chaque tempe, où elles adhèrent facilement. On ne croit pas qu’il soit convenable d’enlever les fèves ou le taffetas ; on les laisse jusqu’à ce qu’ils tombent naturellement. Quelquefois, si on demande à un homme qui a des morceaux de taffetas sur la tête ce qu’il a bien pu se faire, il vous répond : « J’avais la migraine avant-hier. » Les habitants de ce pays emploient des remèdes fort étranges, mais trop dégoûtants pour qu’on puisse en parler. Un des moins sales consiste à couper en deux de jeunes chiens pour en attacher les morceaux de chaque côté d’un membre brisé. On recherche beaucoup ici une race de petits chiens sans poils pour servir de chaufferettes aux malades.

Santa-Fé est une petite ville tranquille, propre, et où règne le bon ordre. Le gouverneur Lopez, simple soldat au temps de la révolution, est depuis dix-sept ans au pouvoir. Cette stabilité provient de ses habitudes tyranniques, car la tyrannie semble jusqu’à présent mieux adaptée à ces pays que le républicanisme. Le gouverneur Lopez a une occupation favorite : donner la chasse aux Indiens. Il y a quelque temps, il en a massacré quarante-huit et a vendu leurs enfants comme esclaves à raison d’une centaine de francs par tête.

5 octobre. — Nous traversons le Parana pour nous rendre à Santa-Fé Bajada, ville située sur la côte opposée. Le passage nous prend quelques heures, car le fleuve consiste ici en un labyrinthe de petits bras séparés par des îles basses couvertes de bois. J’avais une lettre de recommandation pour un vieil Espagnol, un Catalan, qui me reçoit avec la plus grande hospitalité. Bajada est la capitale de l’Entre-Rios. En 1825, la ville contenait 6 000 habitants, et la province 30 000. Cependant, malgré le petit nombre des habitants, aucune province n’a plus souffert de révolutions sanglantes. Il y a ici des députés, des ministres, une armée régulière et des gouverneurs ; rien donc d’étonnant à ce qu’il y ait des révolutions. Cette province deviendra certainement un des pays les plus riches de la Plata. Le sol est fertile, et la forme presque insulaire de l’Entre-Rios lui donne deux grandes lignes de communications : le Parana et l’Uruguay.

Je suis retenu cinq jours à Bajada, et j’étudie la géologie fort intéressante du voisinage. On trouve ici, au pied des falaises, des couches contenant des dents de requin et des coquillages marins