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GUANACOS.

voir sur les plaines arides quelques scarabées noirs (hétéromères) errant lentement çà et là ; de temps en temps on aperçoit aussi un lézard. En fait d’oiseaux, il y a trois espèces de vautours et, dans les vallées, quelques espèces qui se nourrissent d’insectes. On rencontre assez fréquemment dans les parties les plus désertes un ibis (Theristicus melanops) appartenant à une espèce qu’on dit exister dans l’Afrique centrale ; j’ai trouvé dans l’estomac de cet ibis des sauterelles, des cicadés, de petits lézards et même des scorpions[1]. À une certaine époque de l’année ces oiseaux se réunissent en bandes, à d’autres époques ils vont par couples ; leur cri, fort et singulier, ressemble au hennissement du guanaco.

Le guanaco ou lama sauvage est le quadrupède caractéristique des plaines de la Patagonie. Il représente, dans l’Amérique méridionale, le chameau de l’Orient. À l’état de nature le guanaco, avec son long cou et ses jambes fines, est un animal fort élégant. Il est très-commun dans toutes les parties tempérées du continent et s’étend vers le sud jusqu’aux îles qui avoisinent le cap Horn. Il vit ordinairement en petits troupeaux comprenant de six à trente individus ; cependant, sur les bords du Santa-Cruz, nous en avons vu un qui devait contenir au moins cinq cents individus.

Ces animaux sont ordinairement très-sauvages et très-soupçonneux. M. Stokes m’a raconté qu’il a vu un jour, au moyen du télescope, un troupeau de guanacos qui certainement avaient eu peur de lui et de ses amis et qui s’éloignaient de toute la vitesse de leurs jambes, bien que la distance fût si grande qu’il ne pouvait pas les distinguer à l’œil nu. Le chasseur ne s’aperçoit souvent de leur présence qu’en entendant à une grande distance leur cri d’alarme si particulier. S’il regarde alors attentivement autour de lui, il verra probablement le troupeau disposé en ligne sur le flanc de quelque colline éloignée. S’il s’approche d’eux, ils poussent encore quelques cris, puis ils gagnent une des collines voisines par un sentier étroit en prenant une allure qui paraît assez lente, mais qui est réellement fort rapide. Cependant, si par hasard un chasseur rencontre tout à coup un seul guanaco ou plusieurs ensemble, ils

    de cette famille, que l’on considère ordinairement comme tropicale, se trouvent aussi dans l’Amérique septentrionale (Lewis et Clarke, Travels, p. 221), sous la même latitude que dans l’Amérique méridionale, c’est-à-dire dans les deux cas, par 47 degrés de latitude.

  1. Ces insectes se rencontrent fréquemment sous les pierres. J’ai trouvé un jour un scorpion cannibale tranquillement occupé à dévorer un de ses frères.