Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
185
LE MACRAUCHENIA.

vrant le gravier de la plaine, élevée de 90 pieds au-dessus du niveau de la mer, que j’ai trouvé la moitié d’un squelette de Macrauchenia Patachonica, quadrupède remarquable, tout aussi grand qu’un chameau. Il appartient à la division des pachydermes, qui comprend le rhinocéros, le tapir et le paléothérium ; mais, par la structure des os de son cou fort allongé, il se rapproche beaucoup du chameau ou plutôt du guanaco et du lama. On trouve, sur deux plaines placées en arrière et plus élevées, des coquillages marins récents ; ces plaines ont donc été modelées et soulevées avant que se soit déposée la boue on était enfoui le Macrauchenia ; il est donc certain que ce curieux quadrupède a vécu longtemps après que les coquillages actuels avaient commencé à habiter la mer voisine. J’ai été fort surpris, tout d’abord, de trouver un si grand quadrupède, et je me suis demandé comment il a pu exister si récemment et subsister dans ces plaines caillouteuses, stériles, produisant à peine quelque végétation, par 49° 15′ de latitude ; mais la parenté qui existe certainement entre le Macrauchenia et le guanaco, qui habite aujourd’hui les parties les plus stériles de ces mêmes plaines, dispense presque d’étudier ce côté de la question.

La parenté, bien qu’éloignée, qui existe entre le Macrauchenia et le Guanaco, entre le Toxodon et le Capybara — la parenté plus rapprochée qui existe entre les nombreux Édentés éteints et les Paresseux, les Fourmiliers et les Tatous actuels qui caractérisent si nettement la zoologie de l’Amérique méridionale — la parenté encore plus rapprochée qui existe entre les espèces fossiles et les espèces vivantes de Ctenomys et d’Hydrochœrus, constituent des faits fort intéressants. La grande collection, provenant des cavernes du Brésil, qu’ont dernièrement rapportée en Europe MM. Lund et Clausen, prouve admirablement cette parenté — parenté aussi remarquable que celle qui existe entre les Marsupiaux fossiles et les Marsupiaux vivants de l’Australie. Les trente-deux genres, sauf quatre, de quadrupèdes terrestres, qui habitent aujourd’hui le pays où se trouvent les cavernes, sont représentés par des espèces éteintes dans la collection dont je viens de parler. Les espèces éteintes sont d’ailleurs beaucoup plus nombreuses que les espèces actuelles ; on remarque de nombreux spécimens fossiles de fourmiliers, de tapirs, de pécaris, de guanacos, d’opossums, de rongeurs, de singes et d’autres animaux. Cette parenté étonnante, sur le même continent, entre les morts et les vivants jettera bientôt, je n’en doute pas, beaucoup plus de lumière que toute