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Pendant les deux derniers jours, nous avons remarqué des empreintes de chevaux et trouvé quelques petits objets qui ont certainement appartenu à des Indiens, des morceaux de manteau, par exemple, et des plumes d’autruche ; mais ces objets paraissent avoir longtemps séjourné sur le sol. Le pays, entre l’endroit où les Indiens ont dernièrement traversé le fleuve et le lieu où nous nous trouvons, bien qu’à une distance considérable l’un de l’autre, paraît absolument désert. Au premier abord, en considérant l’abondance des guanacos, j’eus tout lieu d’être surpris de ce fait ; mais on se l’explique facilement, quand on met en ligne de compte la nature caillouteuse de ces plaines ; un cheval non ferré qui essayerait de les traverser ne résisterait certainement pas à la fatigue. Je trouvai toutefois, dans deux endroits différents de cette région centrale, de petits amas de pierres que je ne crois pas provenir du hasard. Ils se trouvent sur des pointes placées au bord supérieur de la falaise la plus élevée, et ils ressemblent, sur une petite échelle il est vrai, à ceux que j’ai déjà visités auprès du Port Desire.

4 mai. — Le capitaine Fitz-Roy se décide à ne pas remonter plus haut la rivière. Le Santa Cruz devient en effet de plus en plus rapide et de plus en plus tortueux. L’aspect du pays ne nous engage guère, d’ailleurs, à aller plus loin. Partout les mêmes produits, partout le même paysage désolé. Nous nous trouvons à environ 140 milles (224 kilomètres) de l’Atlantique et à environ 60 milles (96 kilomètres) du Pacifique. La vallée, dans cette partie supérieure du cours du fleuve, forme un immense bassin borné au nord et au sud par d’immenses plates-formes de basalte et à l’ouest par la longue chaîne des Cordillères couvertes de neige. Mais ce n’est pas sans un sentiment de regret que nous voyons de loin ces montagnes, car nous sommes obligés de nous représenter en imagination leur nature et leurs produits au lieu de les escalader, comme nous nous l’étions promis. Mais, outre la perte de temps inutile que l’essai de remonter davantage la rivière nous aurait causée, depuis quelques jours déjà nous ne recevions plus que des demi-rations de pain. Or, bien qu’une demi-ration soit parfaitement suffisante pour des gens raisonnables, c’était assez peu après une longue journée de marche ; il est fort joli de parler d’estomac léger et de digestion facile, mais en pratique ce sont là choses assez désagréables.

5 mai. — Nous commençons à redescendre le fleuve avant le lever du soleil : cette descente s’effectue avec une grande rapidité ; nous faisons ordinairement dix nœuds à l’heure. En un jour, nous avons