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Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/265

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LES PATAGONS.

lents, bien que ne semblant resserrés par aucune barrière, paraissent rependant suivre une voie régulièrement déterminée, tout comme une rivière dans son lit.

Pendant notre visite précédente (en janvier), nous avions eu une entrevue au cap Gregory avec les fameux géants patagons, qui nous reçurent fort cordialement. Leurs grands manteaux en peau de guanaco, leurs longs cheveux flottants, leur aspect général, les font paraître plus grands qu’ils ne le sont réellement. Ils ont 6 pieds en moyenne ; quelques-uns sont plus grands ; d’autres, mais en fort petit nombre, sont plus petits ; les femmes sont aussi fort grandes ; c’est en somme la plus grande race que j’aie jamais vue. Leurs traits ressemblent beaucoup à ceux des Indiens que j’avais vus dans le nord avec Rosas ; ils ont toutefois un aspect plus sauvage et plus formidable ; ils se peignent le visage avec du rouge et du noir, et l’un d’eux était couvert de lignes et de points blancs comme un Fuégien. Le capitaine Fitz-Roy offrit d’en emmener trois à bord du Beagle, et tous semblaient désireux de venir. Aussi se passa-t-il quelque temps avant que nous pussions quitter la côte ; nous arrivâmes enfin à bord avec nos trois géants, qui dînèrent avec le capitaine et qui se conduisirent comme de véritables gentlemen ; ils savaient se servir des couteaux, des fourchettes et des cuillers ; le sucre leur plut tout particulièrement. Cette tribu a eu si souvent l’occasion de communiquer avec les baleiniers, que la plupart des individus qui la composent savent un peu d’anglais et d’espagnol ; ils sont à demi civilisés et leur démoralisation est proportionnelle à leur civilisation.

Le lendemain matin, une forte escouade se rendit à terre pour leur acheter des peaux et des plumes d’autruche ; ils refusèrent les armes à feu, mais demandèrent principalement du tabac, beaucoup plus que des haches ou des outils. La population entière des toldos, hommes, femmes et enfants, se rangea sur une élévation de terrain. Cela constituait un spectacle fort intéressant et il était impossible de ne pas se sentir pris d’affection pour les prétendus géants, tant ils étaient confiants, tant ils avaient l’humeur facile ; ils nous demandèrent de revenir les visiter. Ils semblent aimer à

    matinée, vents légers et beaucoup de pluie, suivis par un coup de vent très-violent avec pluie ; se change en violente tempête avec gros cumuli ; le temps s’éclaircit ; il vente très-fort du sud-sud-ouest. Température, 60° F. (15°,3 c.) ; condensation de la rosée, 42° F. (5°,5 c.) ; différence, 18° F. (10° c.).