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IMMENSE PLANTE MARINE.

duction marine, laquelle, par son importance, mérite une mention particulière. C’est une algue, le Macrocystis pyrifera. Cette plante croît sur tous les rochers jusqu’à une grande profondeur, et sur la côte extérieure et dans les canaux intérieurs[1]. Je crois que pendant les voyages de l’Adventure et du Beagle on n’a pas découvert un seul roc près de la surface qui ne fût indiqué par cette plante flottante. On comprend tout de suite quels services elle rend aux vaisseaux qui naviguent dans ces mers orageuses, elle en a certainement sauvé beaucoup du naufrage. Rien de plus surprenant que de voir cette plante croître et se développer au milieu de ces immenses écueils de l’Océan occidental, là où aucune masse de rochers, si durs qu’ils soient, ne saurait résister longtemps à l’action des vagues. La tige est ronde, gluante, polie, et elle atteint rarement plus d’un pouce de diamètre. Quelques-unes de ces plantes réunies sont assez fortes pour supporter le poids des grosses pierres sur lesquelles elles poussent dans les canaux intérieurs, et cependant certaines de ces pierres sont si lourdes, qu’un homme ne pouvait les sortir de l’eau pour les placer dans le canot. Le capitaine Cook dit, dans son second voyage, que cette plante, à la Terre de Kerguelen, s’élève d’une profondeur de plus de 24 brasses ; « or, comme elle ne pousse pas dans une direction perpendiculaire, mais qu’elle fait un angle fort aigu avec le fond, qu’ensuite elle s’étend sur une étendue considérable à la surface de la mer, je suis autorisé à dire que certaines de ces plantes atteignent une longueur de 60 brasses et plus. » Je ne crois pas qu’il y ait aucune autre plante dont la tige atteigne cette longueur de 300 pieds dont parle le capitaine Cook. En outre, le capitaine Fitz-Roy[2] en a

  1. L’habitat géographique de cette plante est fort étendu. On la trouve depuis les îlots les plus méridionaux, près du cap Horn, jusque par 43 degrés de latitude nord, sur la côte orientale, à ce que m’apprend M. Stokes ; mais sur la côte occidentale, comme me l’apprend le docteur Hooker, elle s’étend jusqu’au fleuve San-Francisco, en Californie, et peut-être même jusqu’au Kamtschatka. Ceci implique un développement immense en latitude ; et comme Cook, qui devait bien connaître cette espèce, l’a trouvée à la terre de Kerguelen, elle s’étend sur 140 degrés de longitude.
  2. Voyages of the Adventure and Beagle, vol. I, p. 363. Il paraît que les plantes marines poussent extrêmement vite. M. Stephenson (Wilson, Voyage round Scotland, vol. II, p. 228) a trouvé qu’un rocher qui n’est découvert qu’aux grandes marées, et qui avait été poli en novembre, était, au mois de mai suivant, c’est-à-dire six mois après, recouvert de Fucus digitatus ayant 2 pieds de long, et de Fucus esculentus ayant pieds de longueur.