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CHILI SEPTENTRIONAL.

Le mineur chilien a un costume singulier et presque pittoresque. Il porte une longue chemise de serge foncée et un tablier de cuir, le tout attaché par une ceinture aux couleurs voyantes, et un pantalon large ; il se couvre la tête d’une petite casquette de drap écarlate. Nous rencontrons une troupe de ces mineurs en grand costume ; ils portent au cimetière le cadavre de l’un de leurs camarades. Quatre hommes portent le corps en trottant très-rapidement ; dès qu’ils ont fait environ 200 mètres, quatre autres, qui les avaient précédés à cheval, viennent les remplacer. Ils vont ainsi s’encourageant les uns les autres en poussant des cris sauvages ; ce sont en résumé des funérailles fort étranges.

Nous continuons notre voyage ; nous nous dirigeons toujours vers le nord mais en faisant bien des détours ; quelquefois je m’arrête un jour ou deux pour étudier la géologie du pays. Cette région est si peu habitée, les routes ou plutôt les sentiers sont si peu fréquentés et par conséquent si peu tracés, que nous avons souvent beaucoup de difficulté à trouver notre chemin. Le 12, je m’arrête pour examiner des mines. Le minerai qu’on exploite en cet endroit n’est pas fort riche, me dit-on ; on espère cependant vendre la mine de 30 à 40 000 dollars (de 150 000 à 200 000 francs) parce qu’on le trouve en quantités considérables ; cette mine appartient à une compagnie anglaise qui, dans le principe, l’a achetée pour la modique somme d’une once d’or (80 francs). Le minerai consiste en pyrites jaunes ; or, comme je l’ai déjà fait remarquer, les Chiliens, avant la venue des Anglais, pensaient que ces pyrites ne contenaient pas un atome de cuivre. Les compagnies minières ont acheté, à peu près dans les mêmes conditions de bon marché, de véritables montagnes de cendres pleines de globules de cuivre métallique, et cependant, comme chacun le sait, presque toutes ont réussi à perdre des sommes considérables. Il faut dire, il est vrai, que les directeurs et les actionnaires de ces compagnies se livraient aux dépenses les plus folles ; dans quelques cas on consacrait 25 000 francs par an aux fêtes à donner aux autorités chiliennes ; — on expédiait des bibliothèques entières d’ouvrages sur la géologie richement reliés ; — on faisait venir à grands frais des mineurs accoutumés à un métal particulier, l’étain, par exemple, qui ne se trouve pas au Chili ; — on s’engageait à fournir du lait aux mineurs dans des régions où il n’y a pas une seule vache ; — on construisait des machines là où il est impossible de s’en servir ; — on faisait mille autres dépenses absurdes sembla-