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ANCIENNES HABITATIONS INDIENNES.

pas d’eau. Quoi qu’il en soit, et tout étonnés qu’ils en soient, les gens du pays affirment que l’état de ces maisons prouve que les Indiens devaient les habiter constamment. Dans la vallée où je me trouve actuellement, à Punta Gorda, les ruines consistent en sept ou huit petites chambres carrées, ressemblant beaucoup à celles que j’ai vues à Tambillos, mais construites avec des espèces de blocs de boue que les habitants actuels ne savent plus fabriquer de façon aussi solide, soit ici, soit au Pérou, selon Ulloa. Ces chambres sont placées au fond de la vallée, dans sa partie la plus ouverte. On ne trouve de l’eau qu’à 3 ou 4 lieues de distance, et encore cette eau est-elle en petite quantité et fort mauvaise. Le sol est absolument stérile, j’ai cherché en vain la trace d’un lichen sur les rochers. Aujourd’hui, bien qu’on ait l’avantage de posséder des bêtes de somme, c’est à peine si l’on pourrait arriver à exploiter une mine en cet endroit, à moins qu’elle ne soit d’une richesse tout exceptionnelle. Cependant des Indiens ont choisi ce lieu pour y demeurer ! S’il tombait annuellement deux ou trois averses au lieu d’une averse en deux ou trois ans, il se formerait sans doute un petit ruisseau dans cette grande vallée. On pourrait facilement alors — et les Indiens s’entendaient admirablement autrefois à ce genre de travaux — rendre le sol suffisamment fertile pour subvenir aux besoins de quelques familles.

J’ai la preuve absolue que, près de la côte, dans cette partie du continent de l’Amérique méridionale, le sol a été soulevé de 400 à 500 pieds et dans quelques endroits de 1 000 à 1 300 pieds pendant la période des coquillages existants. Plus loin, à l’intérieur, il se peut que le soulèvement ait été plus considérable encore. Comme le caractère particulièrement aride du climat provient évidemment de la hauteur de la Cordillère, on peut assurer, sans crainte de se tromper, qu’avant les soulèvements récents, l’atmosphère devait être beaucoup plus humide qu’elle ne l’est à présent. Or, le changement de climat a dû être fort lent, puisque le soulèvement s’est produit fort lentement aussi. Les ruines dont j’ai parlé doivent remonter à une antiquité considérable, si l’on veut expliquer qu’elles aient été habitables par l’hypothèse d’un changement de climat. Je ne crois pas, toutefois, qu’il soit difficile d’expliquer leur conservation avec un climat tel que celui du Chili. Il faut aussi admettre, dans cette hypothèse, et c’est peut-être un peu plus difficile, que l’homme a habité l’Amérique méridionale pendant une période de temps extrêmement longue ; car un change-