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PÉROU.

Trois jours après mon retour, j’apprends que le Beagle est arrivé dans le port qui se trouve à 18 lieues de la ville. Il y a très-peu de terres cultivées dans la partie inférieure de la vallée ; c’est à peine si l’on y trouve une herbe grossière que les ânes eux-mêmes peuvent à peine manger. Cette pauvreté de la végétation provient de la quantité de matières salines dont le sol est imprégné. Le port consiste en une réunion de quelques misérables huttes, situées au milieu d’une plaine stérile. Au moment où je m’y trouvais, il y avait de l’eau dans le fleuve jusqu’à la mer ; les habitants avaient donc l’avantage d’avoir de l’eau douce à 1 mille et demi de chez eux. Sur la grève, on voit de grandes piles de marchandises, et il règne une certaine activité dans ce misérable village. Le soir, je fais mes adieux à mon compagnon Mariano Gonzalès, avec lequel j’ai parcouru une si grande partie du Chili. Le lendemain matin, le Beagle met à la voile pour Iquique.

12 juillet. — Nous jetons l’ancre dans le port d’Iquique, par 20°12, sur la côte du Pérou. La ville, qui contient environ un millier d’habitants, est située sur une petite plaine de sable, au pied d’un grand mur de rochers s’élevant à une hauteur de 2000 pieds ; ce mur de rochers forme la côte. On se trouve dans un désert absolu. Il pleut quelques instants une fois tous les sept ou huit ans ; aussi les ravins sont-ils remplis de détritus et le flanc de la montagne recouvert d’amas de beau sable blanc, qui s’élève quelquefois à une hauteur d’un millier de pieds. Pendant cette saison de l’année, une épaisse couche de nuages s’étend sur l’Océan et s’élève bien rarement au-dessus des rochers qui forment la côte. Rien de triste comme l’aspect de cette ville ; le petit port, avec ses quelques bâtiments et son petit groupe de misérables maisons, est absolument hors de proportion avec le reste du paysage et semble écrasé par lui.

Les habitants vivent comme s’ils étaient à bord d’un bâtiment ; il faut tout faire venir d’une grande distance : on apporte l’eau dans des bateaux, de Pisagua, situé à environ 40 milles (64 kilomètres) plus au nord, et on la vend 9 réaux (près de 6 francs) par tonneau de 18 gallons ; j’achète une bouteille d’eau, qui me coûte 30 centimes. On est forcé d’importer de la même façon le bois de chauffage et, bien entendu, tous les aliments. Il va sans dire qu’on ne peut nourrir que fort peu d’animaux domestiques dans un tel endroit ; le lendemain de mon arrivée, je me procure très-difficile-