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PÉROU.

dans un pays ondulé absolument désert. À chaque instant on trouve sur la route les ossements desséchés des nombreuses bêtes de somme qui ont péri de fatigue. Sauf le Vultur Aura, je n’ai aperçu ni oiseau, ni quadrupède, ni reptile, ni insecte ; sur les montagnes de la côte, à la hauteur d’environ 2 000 pieds, là où les nuages, pendant cette saison, reposent presque toujours, on trouve quelques cactus dans les crevasses des rochers et quelques mousses sur le sable qui recouvre le roc. Ces mousses appartiennent au genre Cladonia et ressemblent quelque peu au lichen du renne. Dans quelques parties on trouve cette plante en quantité suffisante pour que, vu d’une certaine distance, le sol revête une teinte jaune pâle. Plus à l’intérieur, pendant cette longue course de 14 lieues, je n’ai aperçu qu’un seul autre végétal, un lichen jaune extrêmement petit, poussant sur les ossements des mules. C’est là certainement le premier désert véritable que j’aie jamais vu ; ce spectacle, cependant, ne me produit pas beaucoup d’effet ; j’attribue cela à ce que, pendant mon voyage de Valparaiso à Coquimbo et de là à Copiapó, je me suis graduellement accoutumé à des scènes analogues. À un certain point de vue, l’aspect du pays est remarquable : il est, en effet, recouvert par une croûte épaisse de sel commun et des couches stratifiées de dépôts salifères qui semblent s’être déposés à mesure que la terre s’élevait graduellement au-dessus du niveau de la mer. Le sel est blanc, très-dur et très-compacte ; il se présente sous forme de masses usées par l’eau et est mélangé avec beaucoup de gypse. En somme, toute cette masse superficielle offre un aspect analogue à celui d’une plaine où il est tombé de la neige avant que les derniers flocons salis ne soient fondus. L’existence de cette croûte de substances solubles, recouvrant un pays tout entier, prouve que la sécheresse doit être extrême, et cela depuis un temps très-considérable.

Je passe la nuit dans l’habitation du propriétaire de l’une des mines de salpêtre. Le sol, en cet endroit, est aussi stérile qu’il peut l’être près de la côte ; mais on peut se procurer de l’eau, au goût amer et saumâtre, il est vrai, en creusant des puits. Le puits de l’habitation où je me trouve a 30 mètres de profondeur. Comme il ne pleut presque jamais, cette eau ne provient pas des pluies. S’il en était ainsi, d’ailleurs, elle ne serait pas potable, car tout le pays environnant est imprégné de substances salines. Il faut donc en conclure que ce sont des infiltrations provenant de la Cordillère, bien que cette dernière soit distante de plusieurs lieues.