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AMBLYRHYNCHUS TERRESTRE.

aussi vite que possible. J’ai fréquemment remarqué que les petits lézards qui mangent les mouches impriment exactement à leur tête ce même mouvement de haut en bas quand ils observent quelque chose ; mais je ne saurais donner aucune explication de ce fait. Si on tourmente ce lézard avec un bâton, il le saisit et le mord vigoureusement ; mais j’en ai pris beaucoup par la queue et aucun n’a jamais essayé de me mordre. Si on en met deux sur le sol et qu’on les tienne l’un près de l’autre, ils se mettent à se battre et se mordent jusqu’au sang.

Les individus qui habitent les régions basses du pays, et c’est de beaucoup le plus grand nombre, trouvent à peine une goutte d’eau pendant toute l’année. Mais ils mangent beaucoup de cactus, tout au moins les branches qui sont fréquemment brisées par le vent. Je m’amusais souvent quand j’en voyais deux ou trois ensemble à leur jeter un morceau de cactus ; rien n’était comique comme de voir l’un d’eux se saisir du morceau, et essayer de l’emporter dans sa gueule, tout comme un chien affamé essaye de soustraire un os à ses camarades. Ils mangent très-lentement, cependant ils ne mâchent pas leurs aliments. Les petits oiseaux savent parfaitement que ces animaux sont inoffensifs ; j’ai vu des moineaux aller becqueter une extrémité d’un morceau de cactus, plante qu’aiment beaucoup tous les animaux de la région inférieure, pendant qu’un lézard mord l’autre extrémité ; il n’est pas rare de voir ensuite le petit oiseau aller se percher sur le dos du reptile.

J’ai ouvert plusieurs de ces animaux ; leur estomac est toujours plein de fibres végétales et de feuilles de différents arbres surtout celles d’un acacia. Dans la région supérieure, ils mangent principalement les baies acides et astringentes du guayavita ; j’ai vu ces lézards et de grosses tortues, les uns auprès des autres, sous ces arbres. Pour se procurer les feuilles d’acacia, ils grimpent sur les arbres rabougris ; il n’est pas rare d’en voir un couple brouter, tranquillement perchés sur une branche à plusieurs pieds au-dessus du sol. Ces lézards cuits ont la chair très-blanche ; c’est un mets fort apprécié de ceux dont l’estomac plane au-dessus de tous les préjugés. Humboldt a fait remarquer que, dans toutes les parties intertropicales de l’Amérique méridionale, on estime comme chose fort délicate la chair de tous les lézards qui habitent les régions sèches. Les habitants affirment que les lézards qui habitent les régions humides de l’île boivent de l’eau, mais que les autres, à l’encontre des tortues, ne font jamais le voyage pour venir se désal-