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COUP D’ŒIL RÉTROSPECTIF.

le Pacifique, aujourd’hui et à l’époque de Cook ! Depuis les voyages de ce dernier, un hémisphère entier est entré dans la voie de la civilisation.

Si l’on est sujet au mal de mer, que l’on y regarde à deux fois avant d’entreprendre un long voyage. Ce n’est pas là une maladie dont on puisse se débarrasser en quelques jours ; j’en parle par expérience. Si, au contraire, on aime la mer, si on s’intéresse à la manœuvre, on a certes de quoi s’occuper, mais il n’en faut pas moins se rappeler combien peu de temps on passe dans le port comparativement aux longs jours passés sur mer. Et que sont, après tout, les beautés si vantées de l’immense Océan ? L’Océan, c’est une solitude fatigante, un désert d’eau, comme l’appellent les Arabes. Sans doute ce désert offre quelques spectacles admirables. Rien de beau, par exemple, comme un magnifique clair de lune, alors que d’innombrables étoiles brillent au ciel, et que les douces effluves des vents alizés gonflent les blanches voiles du vaisseau ; puis le calme parfait, alors que la mer est polie comme un miroir, que tout est tranquille, et que c’est à peine si un souffle agite de loin en loin les voiles qui pendent inutiles contre les mâts. Il est beau aussi d’assister au commencement d’une tempête, alors que le vent soulève les vagues en véritables montagnes ; mais, dois-je le dire ? je m’étais figuré quelque chose de plus grandiose, de plus terrible. Une tempête vue de la côte, où les arbres tordus par le vent, où les oiseaux luttant avec peine, où les ombres profondes, où les éclats de lumière, où le bruit des torrents, indiquent la lutte des éléments, présente certainement un bien plus beau spectacle. En mer, les albatros et les pétrels semblent parfaitement à leur aise ; l’eau s’élève et s’abaisse comme si elle remplissait sa tâche accoutumée ; seuls le vaisseau et ses habitants semblent être l’objet de la fureur des éléments. Sans doute le spectacle est tout différent quand on le contemple du haut d’une côte sauvage, mais il vous cause certainement alors une impression bien plus profonde.

Tournons actuellement les yeux vers les côtés les plus agréables du tableau. Le plaisir que nous a causé l’aspect général des différents pays que nous avons visités a été sans contredit la source la plus constante et la plus vive de nos jouissances. Il est plus que probable que la beauté pittoresque de bien des parties de l’Europe excède de beaucoup tout ce que nous avons vu. Mais on éprouve un plaisir toujours nouveau à comparer les caractères de différents