Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/554

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
538
COUP D’ŒIL RÉTROSPECTIF.

avoir navigué pendant des semaines entières le long de leurs côtes que l’on arrive à bien comprendre quels immenses espaces ces noms impliquent sur notre globe.

Quand on considère l’état actuel de l’hémisphère austral, on ne peut qu’avoir le plus grand espoir relativement à ses progrès futurs. On ne saurait, je crois, trouver dans l’histoire aucun parallèle aux progrès de la civilisation dans l’hémisphère austral, progrès qui ont suivi l’introduction du christianisme. Le fait est d’autant plus remarquable que, il y a soixante ans à peine, un homme dont on ne peut mettre en doute l’excellent jugement, le capitaine Cook, ne prévoyait aucun changement semblable. Et, cependant, ces progrès ont été accomplis par l’esprit philanthropique de la nation anglaise.

L’Australie, dans le même hémisphère, devient un grand centre de civilisation, et, dans peu de temps sans contredit, elle deviendra la reine de cet hémisphère. Un Anglais ne peut visiter ces lointaines colonies sans ressentir un vif orgueil et une profonde satisfaction. Hisser où que ce soit le drapeau anglais, c’est être assuré d’attirer en cet endroit la prospérité, la richesse et la civilisation.

En résumé, il me semble que rien ne peut être plus profitable pour un jeune naturaliste qu’un voyage dans les pays lointains. Il aiguise, tout en la satisfaisant en partie, cette ardeur, ce besoin de savoir qui, selon sir J. Herschel, entraîne tous les hommes. La nouveauté des objets, la possibilité du succès, communiquent au jeune savant une nouvelle activité. En outre, comme un grand nombre de faits isolés perdent bientôt tout intérêt, il se met à comparer et arrive à généraliser. D’autre part, il faut bien le dire, comme le voyageur séjourne bien peu de temps dans chaque endroit, ses descriptions ne peuvent comporter des observations détaillées. Il s’ensuit, et cela m’a souvent coûté cher, que l’on est toujours disposé à remplacer les connaissances qui vous font défaut par des hypothèses peu fondées.

Mais ce voyage m’a causé des joies si profondes, que je n’hésite pas à recommander à tous les naturalistes, bien qu’ils ne puissent espérer trouver des compagnons aussi aimables que les miens, de courir toutes les chances et d’entreprendre des voyages par terre, s’il est possible, ou sinon de longues traversées. On peut être certain, sauf dans des cas extrêmement rares, de ne pas avoir de bien grandes difficultés à surmonter et de ne pas courir de bien grands dangers. Ces voyages enseignent la pa-