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MALDONADO.

M. Swainson a remarqué avec beaucoup de raison[1] que, à l’exception du Molothrus pecoris, auquel il convient d’ajouter le Molothrus niger, les coucous sont les seuls oiseaux que l’on puisse réellement appeler parasites, c’est-à-dire « qui s’attachent, pour ainsi dire, à un autre animal vivant, animal dont la chaleur fait éclore leurs jeunes, qui nourrit ces jeunes pendant leur enfance et dont la mort causerait la leur. » Il est fort à remarquer que quelques espèces, mais non pas toutes, du coucou et du molothrus aient adopté cette étrange habitude de propagation parasite, tandis que presque toutes leurs autres habitudes diffèrent ; le molothrus, comme notre sansonnet, est un oiseau éminemment sociable, il vit dans les plaines ouvertes sans chercher à se cacher ou à se dissimuler ; le coucou, au contraire, comme chacun le sait, est extrêmement timide ; il ne fréquente que les buissons les plus retirés et se nourrit de fruits et de chenilles. Ces deux genres ont aussi une conformation bien différente. On a proposé bien des théories, on a été jusqu’à invoquer la phrénologie, pour expliquer l’origine de cet instinct si curieux qui pousse le coucou à déposer ses œufs dans les nids d’autres oiseaux. Les seules observations de M. Prévost[2] ont jeté, je crois, quelque lumière sur ce problème. Le coucou femelle, qui, selon la plupart des observateurs, pond au moins cinq ou six œufs, doit, d’après M. Prévost, s’accoupler avec le mâle chaque fois qu’elle a pondu un ou deux œufs. Or, si la femelle était obligée de couver ses propres œufs, elle devrait les couver tous à la fois et déserterait par conséquent les premiers pondus pendant si longtemps qu’ils se pourriraient ; ou bien elle devrait couver chaque œuf séparément, immédiatement après la ponte ; mais, comme le coucou reste dans nos pays moins longtemps qu’aucun autre oiseau migrateur, la femelle n’aurait certainement pas le temps de couver successivement tous ses œufs pendant son séjour. Ce fait que le coucou s’accouple plusieurs fois et que la femelle pond ses œufs à intervalles, semble expliquer qu’elle les dépose dans les nids d’autres oiseaux et qu’elle les abandonne aux soins de leurs pères nourriciers. Je suis d’autant plus disposé à accepter cette explication que, comme on le verra tout à l’heure, j’ai été amené de façon indépendante à adopter les mêmes conclusions relativement aux autruches de l’Amérique méridionale, dont les femelles sont

  1. Magazine of Zoology and Botany, vol. I, p. 217.
  2. Mémoire lu devant l’Académie des sciences, à Paris. L’Institut, 1834, p. 418.