Page:Daubié - L'émancipation de la femme, 1871.pdf/108

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

suffrage universel soit organisé de manière à préparer l’opinion à ces réformes urgentes ; pour moi, je crois que le vote des femmes peut seul y contribuer, parce qu’il contre-balancera un droit par un droit, et que dans mainte occasion le droit de la femme étant le devoir de l’homme l’harmonie sociale résultera de cette pondération du droit et du devoir. Le suffrage des femmes ne dût-il rien changer à l’état des choses, la question de leur droit n’en resterait pas moins intacte.

Mais, objecte-t-on encore, le vote des femmes, loin être bon ou indifférent, peut être très-mauvais au moment où pour promulguer des lois nécessaires il nous faut avant tout un gouvernement libéral ; or si la femme le rend impossible par son vote, elle nous rejette peut-être à tout jamais dans l’ornière.

Rien de cela, répondrai-je, n’est à craindre, vu la manière dont je pose la question du suffrage ; son application limitée ne mettra qu’au petit nombre de femmes en possession d’un droit dont peu profiteront actuellement ; ce sera ensuite l’affaire d’une loi de prévenir les inconvénients d’une innovation dont rien ne peut suppléer les avantages.

Mais si, par impossible, on me prouvait que le vote de la femme empêchera un gouvernement libéral de s’établir, je n’en aurais nul regret en songeant que cette action franche et ouverte nous a épargné les convulsions, les deuils et les larmes d’une guerre civile. En effet, cet eldorado créé aujourd’hui contre la volonté de la femme qui ne vote pas, qui est trop ignorante pour voter, sera nécessairement, fatalement détruit demain par l’action sourde mais incessante qu’elle exercera sur l’éducation et les mœurs tant que la femme sera la mère et la compagne de l’homme. Les fils de la femme, qui raisonnent par elle, quand même ils raisonnent contre elle, devraient apprendre enfin que s’ils ne l’élèvent avec eux elle les entraînera dans son abaissement ; ils devraient se redire surtout que si la religion devient chez eux une pierre d’achoppement, au lieu d’être un instrument de progrès, c’est parce qu’ils ne sont pas assez moraux pour élever le prê-