Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/108

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— Oh ! par exemple, s’écrie la princesse indignée.

— La vérité pure !… Au grand club on ne dit plus lâcher une maîtresse, mais lui envoyer son ouistiti…

Il s’arrête interloqué en voyant la princesse se lever brusquement, prendre sa lanterne et s’éloigner de l’alcôve, toute droite.

— Eh bien ! mais… Colette !… Colette !…

Elle se retourne, méprisante, suffoquée :

— Oh ! j’en ai assez de vos vilaines histoires… cela me répugne à la fin.

Et soulevant la tenture, elle laisse l’infortuné roi de la Gomme, stupide, les bras tendus et le cœur enflammé, ignorant le pourquoi de cette visite désheurée et de ce départ en coup de vent. Du pas rapide d’une sortie de scène, la traîne flottante de son peignoir serrée et froissée sur son bras, Colette regagne sa chambre à l’extrémité de l’hôtel. Sur la chaise longue, dans un coussin de broderie orientale, dort la plus jolie petite bête du monde, grise, soyeuse, les poils comme des plumes, une longue queue enveloppante, un grelot d’argent noué autour du cou d’un ruban rose. C’est un délicieux ouistiti que le roi lui a envoyé depuis quelques jours dans une corbeille de paille italienne et dont elle a reçu l’hommage avec reconnaissance. Ah ! si elle avait su la signification du cadeau ! Furieuse, elle empoi-