Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/182

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sa main encore gantée pour le cheval, résolue, pressante, autoritaire :

— Rosen, de quoi vivons-nous depuis deux ans ?… Oh ! pas de détours… Je sais que tout ce que je croyais loué a été acheté en notre nom et payé… Je sais que Saint-Mandé tout seul nous coûte plus d’un million, le million que nous avons rapporté d’Illyrie… Vous allez me dire qui nous assiste depuis lors et de quelles mains nous vient l’aumône ?…

La figure bouleversée du vieillard, le tremblement piteux de ses mains ridées, avertirent Frédérique.

— Vous !… C’est vous !…

Elle n’y aurait jamais songé. Et pendant qu’il s’excusait, balbutiant les mots « devoir… gratitude… restitution… »

— Duc, dit-elle violemment, le roi ne reprend pas ce qu’il a donné, et l’on n’entretient pas la reine comme une danseuse.

Deux larmes jaillirent de ses yeux en étincelles, larmes d’orgueil qui ne tombèrent pas.

— Oh ! pardon… pardon…

Il était si humble, et lui baisait le bout des doigts avec une telle expression de regret triste, qu’elle continua un peu radoucie :

— Vous dresserez un état de toutes vos avances, mon cher Rosen. Un reçu vous en sera donné, et le roi s’acquittera le plus tôt possible… Quant aux dépenses à venir, j’en-