Aller au contenu

Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
LES ROIS EN EXIL

son fils en danger, tous deux auraient couru s’enfermer dans Raguse.

— J’y serais allée avec vous, mon père ! interrompit la princesse d’un ton héroïque qui jurait avec son nom de Colette et son petit nez de chatte spirituel et gai sous un ébouriffement de boucles légères.

La reine ne put s’empêcher de sourire et lui tendit la main cordialement. Christian, tortillant sa moustache, dévisageait, avec un intérêt d’amateur, une curiosité avide, cette Parisienne frétillante, ce joli oiseau de la mode au long et chatoyant plumage, tout en jupes et tout en volants, et dont la gentillesse parée le changeait des grands traits et du type majestueux de là-bas. « Diable d’Herbert ! où a-t-il pu se procurer un bijou pareil ? » se disait-il en enviant son ancien camarade d’enfance, ce grand dadais aux yeux à fleur de tête, aux cheveux divisés et plaqués à la russe sur un front court et trop étroit ; puis l’idée lui vint que si ce type de femme manquait en Illyrie, à Paris il courait les rues, et l’exil lui parut définitivement supportable. Du reste, cet exil ne pouvait pas durer longtemps. Les Illyriens en auraient vite assez de leur République. C’était une affaire de deux ou trois mois à passer loin du pays, des vacances royales qu’il fallait employer aussi gaiement que possible.