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LES ROIS EN EXIL

çoire, du même vilain vert de peinture. Cela dégorgeait de monde ; et les militaires étaient en foule, les shakos d’artilleurs, les gants blancs. Peu de bruit. On écoutait le harpiste ou le violoniste ambulant qui, sur une permission de jouer entre les tables, raclait un air de la Favorite ou du Trouvère ; car ce blagueur de peuple de Paris adore la musique sentimentale, et prodigue l’aumône quand il s’amuse.

Subitement le landau s’arrête. Les voitures ne vont pas plus loin que l’entrée de ce large cours de Vincennes le long duquel la foire est installée, ayant comme fond vers Paris les deux colonnes de la barrière du Trône qui montent dans une poudreuse atmosphère de banlieue. Ce qu’on voyait de là, un fourmillement de foule libre au milieu d’une véritable rue d’immenses baraques, allumait d’un tel appétit d’enfant curieux les yeux de Zara, que la reine proposa de descendre. C’était si extraordinaire, ce désir de la fière Frédérique, s’en aller à pied dans la poussière d’un dimanche ; Élisée en était tellement surpris, qu’il hésitait.

— Il y a donc du danger ?

— Oh ! pas le moindre, madame… Seulement, si nous allons sur le champ de foire, il vaut mieux que personne ne nous accompagne. La livrée nous ferait trop remarquer.

Sur un ordre de la reine, le grand valet de