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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/239

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LES ROIS EN EXIL

quelque longue veillée au baccarat, à la bouillotte, ne pouvant pas payer, ne voulant pas devoir, — voyez-vous Christian d’Illyrie affiché au Grand-Club ! — il prendrait sa belle plume et signerait d’un trait sa démission de monarque. La chose serait même déjà arrivée sans le vieux Rosen qui, secrètement, malgré la défense de Frédérique, recommençait à payer pour Monseigneur. Aussi le plan était-il de lui faire dépasser le niveau des petites dettes courantes, de l’entraîner aux vraies dépenses, à des engagements multiples dépassant les ressources du vieux duc. Cela demandait une avance d’argent considérable.

— Mais, disait Tom Lévis, l’affaire est si belle que les fonds ne nous manqueront pas. Le mieux serait d’en parler au père Leemans et d’opérer en famille. Seulement, ce qui m’inquiète, c’est le grand ressort, c’est la femme.

— Quelle femme ? demanda Séphora, élargissant son regard ingénu.

— Celle qui se chargera de passer la corde au cou du roi… Il nous faut une mangeuse pour de bon, une fille sérieuse et d’estomac solide, qui s’attaque tout de suite aux gros morceaux.

— Amy Férat peut-être ?…

— Ah ! ouiche !… usée, archi-usée… Et puis pas assez sérieuse. Ça soupe, ça chante, ça fait la noce en vraie jeunesse… Pas la femme