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LES ROIS EN EXIL

tons et de brandebourgs qui lui donnent l’air d’un tzigane. Toute une jeunesse bruyantes s’évertue, parle haut dans cette loge, avec le sans-gêne d’une cour de reine Pomaré ; et la langue nationale, rude et rauque, en morceaux de biscaïens, bondit des uns aux autres, s’accompagnant de familiarités, de tutoiements dont le secret se chuchote dans la salle.

Chose étrange, en un jour où les bonnes places sont si rares qu’on se montre des princes du sang perdus dans l’amphithéâtre, une petite loge, la loge Bossuet, reste vide. Chacun se demande qui doit venir là, quel grand dignitaire, quel souverain de passage à Paris tarde si longtemps à paraître, va laisser commencer la séance sans lui. Déjà la vieille horloge sonne une heure. Une voix brève retentit dehors : « Portez, armes ! » et dans le cliquetis automatique des fusils maniés, par les hautes portes toutes grandes ouvertes, les Lettres, les Sciences, les Arts font leur apparition.

Ce qu’il y a de remarquable chez ces illustres, tous alertes et vifs, conservés — dirait-on — par un principe, une volonté de tradition, c’est que les plus vieux affectent une allure jeunette, un entrain frétillant, tandis que les jeunes s’efforcent de paraître d’autant plus graves et sérieux qu’ils ont les cheveux moins grisonnants. L’aspect général manque de grandeur, avec l’étriquement moderne de la coif-