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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/29

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LES ROIS EN EXIL

fine aux doigts mais forte de paume, et vous communiquant sa bienfaisante énergie. Puis tout à coup :

— Allons voir coucher Zara, princesse.

Au bout d’un long corridor encombré, comme le reste de l’appartement, de caisses empilées, de malles ouvertes, d’où débordaient le linge, les effets, dans le grand désordre de l’arrivée, s’ouvrait la chambre du petit prince, éclairée par une lampe à l’abat-jour surbaissé dont la clarté s’arrêtait juste au niveau des rideaux bleuâtres du lit. Une servante dormait assise sur une malle, la tête enveloppée dans sa coiffe blanche et ce grand fichu bordé de rose qui complète la coiffure des femmes dalmates. Près de la table, la gouvernante, légèrement appuyée sur son coude, un livre ouvert sur les genoux, subissait, elle aussi, l’influence soporifique de sa lecture et gardait même dans le sommeil cet air romanesque et sentimental que le roi raillait si fort. L’entrée de la reine ne la réveilla pas ; mais le petit prince, au premier mouvement de la moustiquaire de gaze dont sa couchette était voilée, étendit ses petits poings et fit l’effort de se redresser, les yeux ouverts, le regard perdu. Depuis quelques mois, il était tellement habitué à être levé en pleine nuit, précipitamment habillé, pour des fuites ou des départs, à voir autour de lui au réveil des endroits nouveaux et de nouveaux