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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/306

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« Exaltation… scène inconvenante… tourner la tête de cet enfant… » Puis il se dégageait et gagnait la porte. D’un bond la reine fut debout, regarda la table vide du parchemin étalé, et, comprenant bien que l’acte infâme était signé, qu’il le tenait, eut un véritable rugissement :

— Christian !…

Il continuait à marcher.

Elle fit un pas, le geste de ramasser sa robe pour une poursuite, puis subitement :

— Eh bien ! soit…

Il s’arrêta, la vit toute droite devant la fenêtre ouverte, le pied sur l’étroit balcon de pierre, d’un bras emportant son fils dans la mort, et de l’autre menaçant le lâche qui fuyait. Toute la lumière nocturne éclairait du dehors cet admirable groupe.

— À roi d’opérette, reine de tragédie ! dit-elle, grave et terrible… Si tu ne brûles pas à l’instant ce que tu viens de signer, avec le serment sur la croix que tu ne recommenceras jamais plus… ta race est finie, broyée… La femme… l’enfant… là, sur ce perron !…

Et l’on sentait dans ses paroles, dans son beau corps tendu au vide, une telle lancée, que le roi, terrifié, s’élança pour la retenir :

— Frédérique !…

Au cri de son père, au tressaillement du bras qui le portait, l’enfant — tout entier hors