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LES ROIS EN EXIL

éclairer ses yeux, relever sa chevelure sous une couronne à pointes de perles. Évidemment, J. Tom Lévis n’est pas à la hauteur de son rôle, il n’a pas les solides épaules de l’emploi. Pour un rien, il reprendrait son épouse et planterait tout là. Mais une honte le retient, la peur du ridicule, et puis tant de fonds engagés déjà dans l’affaire. Le malheureux se débat, écartelé par ces divers scrupules dont la comtesse ne l’aurait jamais cru capable ; il affecte une grande gaieté, gesticule avec son poignard dans le cœur, anime la table en racontant quelques-uns des bons tours de l’agence, et finit par si bien émoustiller le vieux Leemans, le glacial Pichery lui-même, qu’ils sortent de leur sac les meilleures farces, les meilleures mystifications à l’amateur.

On est là, n’est-ce pas, entre associés, entre copains, et coudes sur table. On se raconte tout, les dessous de l’Hôtel, ses trappes et chausse-trappes, la coalition des gros marchands, rivaux en apparence, leurs trucs, leurs trafics d’Auvergnats, cette mystérieuse franc-maçonnerie qui met une vraie barrière de collets gras et de redingotes râpées entre l’objet rare et le caprice d’un acheteur, force celui-ci aux folies, aux fortes sommes. C’est un assaut de cyniques histoires, une joute au plus adroit, au plus filou.

— Est-ce que je vous ai dit celle de ma lan-