Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/324

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vieux toits, de moucharabies, de portails à écussons, tout ce quartier aristocratique du dernier siècle, transformé en fabriques, en ateliers, qui, secoué le jour de lourds camions et du fourmillement d’un peuple pauvre, reprend la nuit son caractère de curieuse ville morte.

La fête se voyait et s’entendait de loin, fête d’été, fête de nuit, envoyant aux deux rives de la Seine ses sonorités épandues, comme sa lumière en buée rouge d’incendie, à cette extrémité de l’île qui semble, avancée sur le flottement de l’eau, la poupe arrondie et relevée d’un gigantesque navire à l’ancre. En s’approchant, on distinguait les hautes fenêtres toutes flamboyantes sous les lampas, les mille feux de couleur en girandoles rattachées aux massifs, aux arbres séculaires du jardin, et sur le quai d’Anjou, d’ordinaire endormi à cette heure, les lanternes des voitures trouant la nuit de leurs petits fanaux immobiles. Depuis le mariage d’Herbert, l’hôtel Rosen n’avait pas vu pareille fête, et encore celle de ce soir était-elle plus vaste, plus débordante, toutes fenêtres et portes ouvertes sur la splendeur d’une nuit d’étoiles.

Le rez-de-chaussée formait une longue galerie de salons en enfilade, d’une hauteur de cathédrale, décorés de peintures, de dorures