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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/341

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LES ROIS EN EXIL

s’émut pas autrement, resta une minute à réfléchir dans le calme demi-jour des persiennes tombées, puis eut un petit geste décidé, un haussement d’épaules qui signifiait : « Bah ! qui veut la fin… » Et bien vite elle sonna sa femme de chambre pour être sous les armes quand le roi viendrait.

— Qu’est-ce que madame va mettre ?

Madame regarda la glace pour lui demander une idée :

— Rien… Je reste comme je suis…

Rien en effet ne pouvait la faire plus jolie que ce long vêtement de flanelle pâle collant à plis moelleux, un grand fichu noué à l’enfant derrière la taille, et ses cheveux noirs tordus, frisés, relevés très haut, laissant voir la nuque et la ligne commençante des épaules que l’on devinait d’un ton plus vif que le visage, d’une clarté d’ambre chaude et lisse.

Elle trouva avec raison qu’aucune toilette ne vaudrait ce déshabillé accentuant l’air simple, petite fille, que le roi aimait tant en elle ; mais cela l’obligea à déjeuner dans sa chambre, car elle ne pouvait descendre à la salle en pareille tenue. Elle avait mis sa maison sur un pied de maison sérieuse, et ce n’était plus ici la fantaisie, les allures bohèmes de Courbevoie. Après déjeuner, elle s’installa dans son boudoir, qu’une véranda en moucharabie prolongeait sur l’avenue, et se mit à guetter le roi, paisi-