Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/344

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donne à la beauté grave de la dame un fond sombre de tableau hollandais, la comtesse de Spalato descend dans ses trois salons du rez-de-chaussée, le salon des saxes, petite pièce Louis XV, contenant une ravissante collection de vases, de statuettes, d’émaux, de cet art fragile du XVIIIe siècle qui semble pétri par le doigt rose des favorites, animé des coquineries de leur sourire ; le salon des ivoires, où ressortent sous des vitrines doublées de couleur feu des ivoires de Chine fouillés de petits personnages, d’arbres aux fruits de pierreries, de poissons aux yeux de jade, et ces ivoires du moyen âge aux douloureuses expressions passionnées, sur lesquels le sang en cire rouge des crucifix fait tache comme sur la pâleur d’une peau humaine ; la troisième pièce, éclairée en atelier, drapée de cuirs de Cordoue, attend que le père Leemans ait achevé de la meubler. D’ordinaire l’âme de la brocanteuse s’exalte au milieu de ces jolies choses, embellies encore par le bon marché qu’elle a fait ; aujourd’hui elle va, vient, sans regarder, sans voir, sa pensée au loin, perdue dans des raisonnements irritants… Comment ! il partirait ainsi… Il ne l’aimait donc pas !… Elle qui croyait l’avoir si bien captivé, enveloppé…

Le domestique revient. Aucune nouvelle du roi. On ne l’a vu nulle part… C’était bien cela Christian !… Se sachant faible, il fuyait, se dé-