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LES ROIS EN EXIL

des Madeleines vers les apôtres. Lui se penchait en souriant, cueillait ce qui s’offrait, enveloppant de douceur et d’affabilité légère cet incorrigible mépris de la femme qui est au fond de tout Méridional. Pour que l’amour entrât dans son cœur, il fallait qu’il passât par sa forte tête ; et c’est ainsi que son admiration du type hautain de Frédérique, de cette adversité patricienne si fièrement portée, était devenue à la longue — avec la maison et la vie étroites de l’exil, ces rapports de toutes les heures, de tous les instants, tant de détresses partagées, — de la passion véritable, mais une passion humble, discrète, sans espoir, qui se contentait de brûler à distance comme un cierge d’indigent à la dernière marche de l’autel.

L’existence continuait pourtant, toujours la même en apparence, indifférente à ces drames muets, et l’on arrivait ainsi aux premiers jours de septembre. La Reine, enveloppée d’un beau soleil bien en rapport avec son heureuse disposition d’esprit, faisait sa promenade d’après déjeuner, suivie du duc, d’Élisée, de madame de Silvis, à qui le congé de la petite princesse donnait le service de dame d’honneur. Elle entraînait tout son monde après elle à travers les allées ombreuses, bordées de lierre, du petit parc anglais, se retournait en marchant pour jeter un mot, une phrase, avec cette grâce décidée qui n’atténuait pas son