Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/420

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de même ; toujours le repos, la chambre noire, une incertitude douloureuse, oh ! bien douloureuse. Puis brusquement :

— Devinez ce que j’apporte là… Prenez garde. C’est fragile, vous allez détacher la terre…Un pied de clématite, mais pas la clématite vulgaire de vos jardins… Clematis Dalmatica… une espèce naine toute spéciale qu’on ne trouve que chez nous, là-bas… Je doutais d’abord, j’hésitais… Je la guette depuis le printemps… Mais voyez la tige, les corolles… ce parfum d’amandes pilées…

Et, dépliant son mouchoir avec des précautions infinies, il dégageait une plante frêle, contournée, la fleur d’un blanc laiteux, pâlissant jusqu’au vert des feuilles, se confondant presque avec elles. Méraut essaya de le questionner, de lui arracher d’autres nouvelles ; mais le maniaque restait tout à sa passion, à sa découverte. C’était en effet un hasard bien étrange que cette petite plante eût poussé, seule de sa race, à six cents lieues de sa patrie. Les fleurs ont leur histoire, mais elles ont aussi leur roman ; et c’est ce roman probable que le bonhomme se répétait à lui-même en croyant le raconter à Méraut.

« Par quelle bizarrerie de terrain, quel mystère géologique, cette petite graine voyageuse a-t-elle pu germer au pied d’un chêne de Saint-Mandé ? Le cas se présente quelquefois. Ainsi