Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/434

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’immense hôtel, son boudoir de prédilection, où elle se réfugiait en ses rares loisirs, écrivait sa correspondance. La pensée lui vint de sauver ce petit mobilier oriental qu’elle aimait ; mais il ne s’y arrêta pas, il fallait vendre.

— Ça en est aussi… dit-il froidement.

Leemans, tout de suite attiré par la rareté d’un meuble arabe, sculpté, doré, avec des arcades et des galeries en miniature, se mit à examiner les tiroirs multiples, à secret, s’ouvrant les uns dans les autres par des ressorts cachés, des tiroirs fins et frais exhalant l’oranger et le santal de leurs doublures satinées. En plongeant la main dans l’un d’eux, il sentit un froissement.

— Il y a des papiers… fit-il.

L’inventaire fini, les deux brocanteurs reconduits jusqu’à la porte, le duc songea à ces papiers oubliés dans le petit meuble. Tout un paquet de lettres serrées d’un ruban froissé, imprégnées des parfums discrets du tiroir. Machinalement il regarda, reconnut l’écriture, cette grosse écriture de Christian, fantasque, irrégulière, qui depuis plusieurs mois ne lui parlait que d’argent par la voie des billets et des traites. Sans doute des lettres du roi à Herbert. Mais non. « Colette, mon cher cœur… » D’un geste brusque il fit sauter le cordon, éparpilla la liasse sur un divan, une trentaine de billets, rendez-vous donnés, remerciements, actions de grâce, toute la correspondance