Page:Daudet - Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon, 1872.djvu/26

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succès de salon, le héros tarasconnais aimait bien mieux se plonger dans ses livres de chasse ou passer sa soirée au cercle que de faire le joli cœur devant un piano de Nîmes entre deux bougies de Tarascon. Ces parades musicales lui semblaient au-dessous de lui… Quelquefois cependant, quand il y avait de la musique à la pharmacie Bézuquet, il entrait comme par hasard, et après s’être bien fait prier, consentait à dire le grand duo de Robert le Diable, avec madame Bézuquet la mère… Qui n’a pas entendu cela n’a jamais rien entendu… Pour moi, quand je vivrais cent ans, je verrais toute ma vie le grand Tartarin s’approchant du piano d’un pas solennel, s’accoudant, faisant sa moue, et sous le reflet vert des bocaux de la devanture, essayant de donner à sa bonne face l’expression satanique et farouche de Robert le Diable. À peine avait-il pris position, tout