Page:Daudet - Contes choisis, 1886.djvu/248

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pentiers et bûcherons se mirent à l’œuvre ; mais vous n’avez jamais vu une forêt pareille. Cramponnée au sol de toutes ses lianes, de toutes ses racines, quand on l’abattait par un bout elle repoussait d’un autre, se rajeunissait de ses blessures ; et chaque coup de hache faisait sortir des bourgeons verts. Les rues, les places de la ville à peine tracées étaient envahies par la végétation. Les murailles grandissaient moins vite que les arbres et, sitôt élevées, croulaient sous l’effort des racines toujours vivantes.

Pour venir à bout de cette résistance où s’émoussait le fer des cognées et des haches, on fut obligé de recourir au feu. Jour et nuit une fumée étouffante emplit l’épaisseur des fourrés, pendant que les grands arbres au-dessus flambaient comme des cierges. La forêt essaya de lutter encore, retardant l’incendie avec des flots de sève et la fraîcheur sans air de ses feuillages pressés. Enfin l’hiver