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LE PORTE-DRAPEAU.

I.


LE régiment était en bataille sur un talus de chemin de fer, et servait de cible à toute l’armée prussienne massée en face, sous le bois. On se fusillait à quatre-vingts mètres. Les officiers criaient

« Couchez-vous !… » mais personne

ne voulait obéir, et le fier régiment restait debout, groupé autour de son drapeau. Dans ce grand horizon de soleil couchant, de blés en épis, de pâturages, cette masse d’hommes, tourmentée, enveloppée d’une fumée confuse, avait l’air d’un troupeau surpris en rase campagne dans le premier tourbillon d’un orage formidable…

C’est qu’il en pleuvait du fer sur ce talus ! On n’entendait que le crépitement de la fusillade,