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Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/165

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de ruisseaux, les scieries, les moulins, la note éclatante d’un costume inconnu sortir tout à coup des fraîcheurs vertes de la plaine…

Tous les matins, au petit jour, nous étions sur pied.

« Mossié !… Mossié ! c’est quatre heures ! » nous criait le garçon d’auberge. Vite, on sautait du lit, et, le sac bouclé, on descendait à tâtons le petit escalier de bois résonnant et fragile. En bas, avant de partir, nous prenions un verre de kirsch dans ces grandes cuisines d’hôtellerie où le feu s’allume de bonne heure, avec ces frissonnements de sarments qui font rêver de brouillards et de vitres humides. Puis en route !

C’était dur au premier moment. À cette heure-là, toutes les fatigues de la veille vous reviennent. Il y a encore du sommeil dans les yeux et dans l’air. Peu à peu, cependant, la rosée froide se dissipe, la brume s’évapore au soleil… On va, on marche… Quand la chaleur devenait trop lourde, nous nous arrêtions pour déjeuner près d’une source, d’un ruisseau, et l’on s’endormait dans les herbes au bruit de l’eau courante pour être éveillé par l’élan d’un gros bourdon qui vous frôlait en vibrant comme une balle… La chaleur tombée, on se remettait en route. Bientôt le soleil baissait, et à mesure le chemin semblait se raccourcir. On