Aller au contenu

Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des feux de joie, je ne sais combien de moutons de tués ; et pour que rien ne manquât à la fête, un fameux improvisateur du Djendel composa, en l’honneur de Si-Sliman, une cantate magnifique qui commençait ainsi : « Vent, attelle les coursiers pour porter la bonne nouvelle… »

Le lendemain, au jour levant, Si-Sliman appela sous les armes le ban et l’arrière-ban de son goum, et s’en alla à Alger pour remercier le gouverneur. Aux portes de la ville, le goum s’arrêta, selon l’usage. L’aga se rendit seul au palais du gouvernement, vit le duc de Malakoff et l’assura de son dévouement à la France, en quelques phrases pompeuses de ce style oriental qui passe pour imagé, parce que, depuis trois mille ans, tous les jeunes hommes y sont comparés à des palmiers, toutes les femmes à des gazelles. Puis, ces devoirs rendus, il monta se faire voir dans la ville haute, fit, en passant, ses dévotions à la mosquée, distribua de l’argent aux pauvres, entra chez les barbiers, chez les brodeurs, acheta pour ses femmes des eaux de senteur, des soies à fleurs et à ramages, des corselets bleus tout passementés d’or, des bottes rouges de cavalier pour son petit aga, payant sans marchander et répandant sa joie en beaux douros. On le vit dans les bazars, assis sur des