Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

endormi sur un affût n’est rien auprès de ce maréchal, si calme devant son billard au moment de l’action… Pendant ce temps, le vacarme redouble. Aux secousses du canon se mêlent les déchirements des mitrailleuses, les roulements des feux de peloton. Une buée rouge, noire sur les bords, monte au bout des pelouses. Tout le fond du parc est embrasé. Les paons, les faisans effarés clament dans la volière ; les chevaux arabes, sentant la poudre, se cabrent au fond des écuries. Le quartier général commence à s’émouvoir. Dépêches sur dépêches. Les estafettes arrivent à bride abattue. On demande le maréchal.

Le maréchal est inabordable. Quand je vous disais que rien ne pourrait l’empêcher d’achever sa partie.

« À vous de jouer, capitaine. »

Mais le capitaine a des distractions. Ce que c’est, pourtant, que d’être jeune ! Le voilà qui perd la tête, oublie son jeu et fait coup sur coup deux séries, qui lui donnent presque partie gagnée. Cette fois le maréchal devient furieux. La surprise, l’indignation éclatent sur son visage. Juste à ce moment, un cheval lancé ventre à terre s’abat dans la cour. Un aide de camp couvert de boue force la consigne, franchit le perron d’un saut : « Maréchal ! maréchal !… » Il faut voir comme il est reçu… Tout