Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/280

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faite au métier, à en juger par ses flancs roussis, passés à la flamme, de temps en temps elle s’impatiente, et son couvercle se soulève, agité par la vapeur. Alors une bouffée de chaleur appétissante monte et se répand dans toute la chambre.

Oh ! la bonne odeur de soupe au fromage !…

Parfois aussi le feu couvert se dégage un peu. Un écroulement de cendres se fait entre les bûches, et une petite flamme court sur le parquet, éclairant le logis par le bas, comme pour dire son inspection, s’assurer que tout est en ordre. Oui, ma foi ! tout est bien en ordre, et le maître peut venir quand il voudra. Les rideaux d’algérienne sont tirés devant les fenêtres, drapés confortablement autour du lit. Voici là-bas le grand fauteuil qui s’allonge auprès de la cheminée ; la table dans un coin, toute dressée, avec la lampe prête à allumer, le couvert mis pour un seul, et, à côté du couvert, le livre, compagnon du repas solitaire… Et de même que la marmite a un coup de feu, les fleurs de la vaisselle ont pâli dans l’eau, le livre est froissé aux bords. Il y a sur tout cela l’air attendri, un peu fatigué, d’une habitude. On sent que le maître du logis doit rentrer très tard toutes les nuits, et qu’il aime à trouver en rentrant ce petit souper qui mijote, et tient