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VII

l’empereur aveugle !…


Il y avait dix jours que j’étais à Munich, et je n’avais encore aucune nouvelle de ma tragédie japonaise. Je commençais à désespérer, lorsqu’un soir dans le petit jardin de la brasserie où nous prenions nos repas, je vis arriver mon colonel avec une figure rayonnante. « Je l’ai ! me dit-il ; venez demain matin au musée… Nous la lirons ensemble, vous verrez si c’est beau ! » Il était très animé ce soir-là. Ses yeux brillaient en parlant. Il déclamait à haute voix des passages de la tragédie, essayait de chanter les chœurs. Deux ou trois fois sa nièce fut obligée de le faire taire : « Ounclé… ounclé… » J’attribuai cette fièvre, cette exaltation, à un pur enthousiasme lyrique. En effet, les fragments qu’il me récitait me paraissaient très beaux, et j’avais hâte d’entrer en possession de mon chef-d’œuvre.

Le lendemain, quand j’arrivai au Jardin de la Cour, je fus très surpris de trouver la salle