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Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/97

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LA DÉFENSE DU CERCLE


Cependant l’invasion des barbares gagnait au sud de jour en jour. Dijon rendu, Lyon menacé, déjà les herbes parfumées de la vallée du Rhône faisaient hennir d’envie les cavales des uhlans. « Organisons notre défense ! » se dirent les Tarasconnais, et tout le monde se mit à l’œuvre. En un tour de main, la ville fut blindée, barricadée, casematée. Chaque maison devint une forteresse. Chez l’armurier Costecalde, il y avait devant le magasin une tranchée d’au moins deux mètres, avec un pont-levis, quelque chose de charmant. Au Cercle, les travaux de défense étaient si considérables qu’on allait les voir par curiosité. M. Bompard, le gérant, se tenait en haut de l’escalier, le chassepot à la main, et donnait des explications aux dames : « S’ils arrivent par ici, pan, pan !… Si, au contraire, ils montent par là, pan, pan ! » Et puis, à tous les coins de rues, des gens qui vous arrêtaient pour vous dire d’un air mystérieux : « Le café de la Comédie est imprenable !… » Il y avait de quoi faire réfléchir les barbares.