Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et vibrantes, des tremblements flasques dans le bas des joues, un abaissement du coin des yeux, du coin des lèvres qui faisaient descendre leur attendrissement à l’expression triviale de la farce. Tous maniérés et tous sincères…

Sitôt entrés, ces messieurs se séparaient en deux camps. Les comédiens célèbres, arrivés, regardaient dédaigneusement les Robricart inconnus et sordides dont l’envie répondait à leur mépris par mille marques désobligeantes : « Avez-vous vu comme un tel a vieilli, comme il est marqué ?… Il ne pourra pas tenir l’emploi longtemps. »

Entre ces deux groupes, l’illustre Delobelle, vêtu de noir, ganté de noir minutieusement, allait et venait, les yeux rouges, les dents serrées, distribuant des poignées de main silencieuses. Le pauvre diable avait le cœur plein de larmes, mais cela ne l’avait pas empêché de se faire friser au petit fer et coiffer en demi-Capoul pour la circonstance. Étrange nature ! Personne n’aurait pu dire en lisant dans son âme le point où la douleur vraie et la pose de la douleur se séparaient, tellement elles étaient mêlées l’une à l’autre… Il y avait aussi parmi les comédiens plusieurs figures de notre connaissance ; M. Chèbe, plus important que jamais, et qui rôdait d’un air empressé autour des acteurs en vogue, pendant que madame Chèbe tenait compagnie, là-haut, à la pauvre mère. Sidonie n’avait pas pu venir, mais Risler aîné était là, presque aussi ému que le père, le bon Risler, l’ami de la dernière heure, qui avait payé tous les frais de la triste cérémonie. Aussi les voitures de deuil étaient