Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/298

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Gardinois si dur ! C’était certes un grand sacrifice qu’elle lui faisait là, une preuve d’amour éclatante qu’elle lui donnait. Subitement il fut envahi par cette chaleur de cœur, cette allégresse qui vient après le danger passé. Claire lui apparaissait comme un être surnaturel qui avait le don de bonté et d’apaisement, autant que l’autre, là-haut, avait le don d’affolement et de destruction. Volontiers, il se fût mis à genoux devant ce beau visage que ses cheveux noirs magnifiquement tordus pour la nuit entouraient d’un nimbe brillant bleuté, et où la régularité des traits un peu sévères se fondait dans une admirable expression de tendresse.

– Claire, Claire… que tu es bonne ! Sans répondre, elle l’amena vers le berceau de leur enfant.

– Embrasse-la… lui dit-elle doucement, et comme ils étaient là tous les deux l’un près de l’autre, perdus dans la mousseline du rideau, la tête penchée sur ce petit souffle apaisé, mais encore un peu haletant des secousses de son mal, Georges eut peur de réveiller sa fille, et il embrassa la mère éperdument.

Voilà bien certainement le premier effet de ce genre qu’ait jamais produit dans un ménage l’apparition du petit bonhomme bleu. D’ordinaire partout où il passe, cet affreux petit gnome, il désunit les mains et les cœurs, détourne l’esprit de ses plus chères affections en l’agitant de mille inquiétudes réveillées au grincement de sa chaînette et à son cri sinistre au-dessus des toits : « L’échéance !… l’échéance !… »