Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/306

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui s’abaissaient l’un vers l’autre, en secouant les nids de pies embroussaillés dans leur faîte.

De loin, Claire trouvait à la maison de sa jeunesse un air revêche et triste. Il lui semblait que Savigny la regardait venir avec le visage froid, aristocratique, qu’il avait pour les passants du grand chemin arrêtés aux fers de lance de ses grilles. – Ô cruel visage des choses ! – Et pourtant non, pas si cruel. Car, avec son aspect de maison fermée, Savigny semblait lui dire « Va-t’en… n’entre pas… » Et si elle avait voulu l’écouter, Claire renonçant à son projet de parler au grand-père, serait retournée bien vite à Paris pour garder le repos de sa vie. Mais elle ne comprit pas, la pauvre enfant, et déjà le grand terre-neuve qui l’avait reconnue, arrivait en bondissant parmi les feuilles mortes et soufflait à la porte d’entrée.

– Bonjour, Françoise… où est bon papa ? demanda la jeune femme à la jardinière qui venait lui ouvrir, humble, fausse, tremblante comme tous les domestiques du château quand ils se sentaient sous l’œil du maître.

Bon papa était dans son bureau, un petit pavillon indépendant du grand corps de logis, où il passait ses journées à paperasser dans des cartons, des casiers, des gros livres à dos verts, avec cette folie de bureaucratie qui lui venait de son ignorance première et de l’impression fantastique que lui avait faite autrefois l’étude de notaire de son village.

En ce moment, il était enfermé là en compagnie de