Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/310

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Claire ouvrait des yeux étonnés, agrandis par l’angoisse, sentant bien qu’un drame terrible entrait en ce moment dans sa vie par la porte basse des dénonciations. Le vieux continua en ricanant :

– C’est qu’elle a de fières quenottes, cette petite Sidonie.

– Sidonie !

– Ma foi, tant pis. J’ai dit le nom… D’ailleurs, tu l’aurais toujours su un jour ou l’autre… C’est même étonnant que depuis le temps… Mais vous autres femmes, vous êtes si vaniteuses… Que l’on puisse vous tromper, c’est bien la dernière idée qui vous vienne en tête… Eh ben, oui, là. C’est Sidonie qui lui a tout croqué, avec le consentement de son mari, du reste.

Et sans pitié il raconta à la jeune femme d’où venait l’argent de la maison d’Asnières, des chevaux, des voitures, comment était meublé leur joli petit nid de l’avenue Gabriel. Il expliquait, précisait tout par le menu. On sentait, qu’ayant eu une nouvelle occasion d’exercer sa manie d’espionnage, il en avait largement profité ; peut-être aussi y avait-il vaguement au fond de tout cela une rage sourde contre sa petite Chèbe, le dépit d’un amour sénile resté toujours inavoué.

Claire l’écoutait sans rien dire, avec un beau sourire d’incrédulité. Ce sourire excitait le vieux, éperonnait sa malice… Ah ! tu ne me crois pas… Ah ! tu veux des preuves… Et il en donnait, les accumulait, la criblait de coups de couteau dans le cœur. Elle n’avait qu’à aller voir chez Darches, le bijoutier de la rue de la Paix. Quinze jours auparavant, Georges avait acheté là