Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Comme Claire était là assise à attendre le train, en regardant vaguement le jardin mélancolique du chef de gare et ces débris de plantes grimpantes courant tout le long des barrières de la voie, elle sentit sur son gant un souffle chaud et humide. C’était son ami Kiss qui l’avait suivie et qui lui rappelait leurs bonnes parties d’autrefois avec des frétillements, des sauts contenus, une joie pleine d’humilité terminée par un allongement de toute sa belle fourrure blanche, aux pieds de sa maîtresse, sur le carreau froid de la salle d’attente. Ces humbles caresses qui venaient la chercher comme une sympathie timide et dévouée firent éclater les sanglots qu’elle retenait depuis si longtemps. Mais tout à coup elle eut honte de sa faiblesse. Elle se leva, renvoya le chien, le renvoya sans pitié, du geste, de la voix, en lui montrant de loin la maison, d’un visage sévère que le pauvre Kiss ne lui connaissait pas. Ensuite elle essuya bien vite ses yeux et sa main humides ; car le train de Paris arrivait et elle savait que dans un moment elle aurait besoin de tout son courage.

Le premier soin de Claire en descendant de wagon fut de se faire conduire chez ce bijoutier de la rue de la Paix, qui avait, au dire du grand-père, fourni à Georges une parure de diamants. Si cela était vrai, tout le reste le serait aussi. Sa peur d’apprendre la vérité était si grande qu’une fois là, en face de cette devanture luxueuse, elle s’arrêta n’osant pas entrer. Pour se donner une contenance, elle paraissait très attentive à regarder les bijoux dispersés sur le velours des écrins ; et, à la voir élégante dans sa mise discrète,